Sur le chemin des 40 sommets : les leçons d'une aventure au long cours

Il y a quatre ans je me suis lancé dans une aventure très personnelle à l'approche de mes 40 ans : réaliser 40 sommets, en grimpant, pédalant, courant, volant, (et même nageant... ).

Le départ a été donné un frais matin de fin septembre à la Madone de Fenestre, pour rejoindre les deux cimes du Gélas en alpinisme.

Il y a eu ensuite dans le désordre Saint-Gervais-Briançon en VTT-BUL, le Pelvoux, l'Ailefroide, ou la Cresta Savoya en alpinisme, le Ventoux en vélo-parapente, le Taillon en rando-trail, le Trail de la Meije et celui du Champsaur, soi 42 et 56 km, mais aussi l'Ouille d'Albeyron, le couloir en Y à la Cime de Tavels ou le Vieux Chaillol en ski de rando et ski-alpinisme. Et bien d'autres...

Un aperçu en vidéo : 

Quatre ans plus tard, la liste n'est pas complète... Elle s'est arrêtée à la descente de la Barre des Ecrins cet été, après une erreur, une glissade et une immobilisation forcée d'un genou. L'accident faisait partie des risques de cette aventure.

Il m'en reste dix à vivre pour boucler la boucle qui devrait se terminer par un retour au sommet du Gélas, avec son tour en ski-alpinisme.

Si la ligne d'arrivée n'est pas encore en vue, j'ai déjà gagné. Chacun de ces sommets, des chemins pour y arriver, des moments de partage avec les compagnons et compagnes d'aventures, des entraînements pour y arriver, des échecs accidents (deux), des couchers et levers de soleil, des bivouacs et nuits en refuges, des sensations et émotions face au vide, au paysage, des bières descendues entre amis au retour ont été autant de « coupes », ou « médailles » que j'ai ramenées à la maison.

J'en ai tiré modestement quelques leçons :

Les moments pour soi valent de l'or. C'est à dire ceux que l'on ne passe pas à « vendre son temps et sa force » à un employeur, jouer son rôle social, passer du temps en famille, s'occuper des tâches du quotidien et se déplacer, manger ou dormir pour être en capacité d'assumer tout cela sont extrêmement rares. La liberté est un luxe et le temps file entre les doigts. Il convient bien de réfléchir à ce que l'on veut faire de ce temps qui passe.

Le bonheur se gagne. Il faut croire en ses capacités, développer sa curiosité, la confiance en soi et en la vie, bref ne pas hésiter à « bouger son cul du canapé » afin d’aller vers l’inconnu. On en sort toujours agréablement surpris. Provoquer sa chance, c'est vivre et si ce sont de belles aventures dans la nature, voilà autant de gagné. On en revient toujours avec des rencontres, des expériences enrichissantes, des sensations nouvelles et des images que l'on gardera longtemps.

Notre corps est notre capital. Avoir un corps en plutôt bon état de fonctionnement est une chance. C'est à dire des jambes, des bras, un cœur et des poumons (sans oublier les articulations) capables de faire équipe avec le cerveau et conduire cet équipage là où la volonté les guide. Regarder un sommet, en rêver, s'y préparer, y aller (et revenir) par ses propres moyens, voilà un privilège. Je suis un privilégier ! Je m'en suis aperçu en me déplaçant difficilement avec mes béquilles et mon atèle après mon petit accident. La société n'est pas adaptée, ni tolérante avec ceux qui ont un handicap, ou un corps différent.

On n'a rien sans travail. La liberté se gagne et souvent chèrement... Pour arriver à mener au bout son projet, il faut le vouloir et se donner les moyens. Je n'ai pas de recette idéale, seulement la mienne : en rêver, en discuter avec d'autres, lire des topos, des récits, des articles de journaux, le préparer dans ses moindres détails, tout en laissant une part au hasard... S'y préparer autant physiquement que mentalement. Bien se connaître est essentiel dans la réalisation d'un telle aventure, afin que le corps et l’esprit arrivent à s’accorder. Surtout que je me suis aperçu que l'on ne s'écoute jamais suffisamment et cela est source d’erreurs.

Les erreurs et accidents sont vites arrivés. Les erreurs, les échecs, les blessures et les chutes font partie de l'aventure. Il faut l'avoir en mémoire, l'accepter (surtout pour l'accident) et en faire une force. Avant de partir, il est essentiel de tout préparer afin d'éviter de les rencontrer. Pendant l’action, tout va très vite et les paramètres sont nombreux à calculer, recalculer : le physique, le mental, la technique avec le matériel et la méthode à employer ; les éléments extérieurs comme la météo, les conditions du terrain ; sans oublier l’attention portée à ses compagnons d’aventure. Cela fait partie du chemin vers le sommet. En cas d'échec, il faut alors trouver la force de comprendre son erreur, afin d'apprendre et de ne plus la refaire. Et l'accident ? Même en étant préparé techniquement et physiquement, il peut arriver. Une seule solution : la prudence qui va avec l’humilité.

La montagne et la nature changent vite. Je m'en suis aperçu en revenant dix après au Glacier Blanc... Il y a bien entendu ce foutu réchauffement climatique qui fragilise nos sommets, fait fondre le permafrost et nos glaciers, ou alors modifie les écosystèmes. Il rend aussi plus aléatoires et changeantes les conditions de neige en hiver. Mais je pense aussi à l'artificialisation des montagnes. Beaucoup de sites naturels sont transformés en « parcs de loisirs » ou banlieues urbaines en y reproduisant les mêmes erreurs d’aménagement. Autre préoccupation : beaucoup trop de chemins, de falaises, de sommets sont réglementés, fermés par leurs propriétaires et de plus en plus difficile d'accès. Pas toujours pour de bonnes raison. Il convient de réfléchir à son approche, ses pratiques.

Mais en cherchant bien et sans trop s'éloigner de notre région, il y a toujours moyen de vivre une belle aventure.

Voilà. L'histoire continue...